Assurance emprunteur en société à l’IS : une mécanique bien huilée… jusqu’au drame

Dans le ballet bien rodé de l’investissement immobilier via une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), l’assurance emprunteur est souvent considérée comme une formalité. Une simple case à cocher pour rassurer la banque. Pourtant, mal anticipée, elle peut se transformer en véritable bombe à retardement patrimoniale.

Le cas classique : une logique comptable qui oublie l’humain

Imaginons un chef d’entreprise qui fait l’acquisition d’un bien immobilier via sa société à l’IS. Pour obtenir le financement, la banque exige, à juste titre, une assurance emprunteur. Le montage standard est alors le suivant :

  • Souscripteur : le chef d’entreprise
  • Assuré : le chef d’entreprise
  • Bénéficiaire : la banque

En cas de décès, l’assurance verse le capital restant dû à la banque. Le crédit est soldé, le bien est payé. Fin de l’histoire ? Pas du tout.

Le jour où tout bascule

Au décès du dirigeant, l’assurance emprunteur entre en jeu. Si la clause bénéficiaire désigne la banque, l’assureur verse à celle-ci le capital restant dû afin de solder le prêt.

Mais ce versement entraîne deux conséquences majeures, souvent méconnues :

  • Un produit exceptionnel est comptabilisé dans la société : le remboursement du crédit par l’assureur est considéré comme un produit imposable, soumis à l’impôt sur les sociétés.
  • Le passif disparaît du bilan : le crédit est éteint, l’endettement de la société s’efface.

Résultat :

  • L’actif net de la société augmente mécaniquement,
  • Les parts sociales ou actions prennent de la valeur,
  • Et donc, l’actif successoral s’alourdit.

Ce que cela implique concrètement :

La société doit faire face à une augmentation brutale de son résultat, sans pour autant avoir perçu de trésorerie (le flux ayant été dirigé vers la banque). Or, elle n’a pas toujours les liquidités nécessaires pour régler l’impôt dû.

Les héritiers, eux, reçoivent des parts revalorisées… souvent sans liquidité en face pour payer les droits de succession, ce qui peut les forcer à vendre ou à endetter davantage la société.

Un paradoxe cruel : l’assurance censée protéger la famille devient source de déséquilibres fiscaux et patrimoniaux.

Une solution existe : le séquestre notarié au profit des héritiers

Heureusement, il existe un montage aussi élégant qu’efficace pour éviter cet engrenage : le séquestre chez notaire, avec les héritiers désignés comme bénéficiaires du contrat d’assurance.

Comment ça fonctionne concrètement ?

  1. Le chef d’entreprise souscrit une assurance décès.
  2. Il désigne ses héritiers comme bénéficiaires du contrat.
  3. Une convention est signée avec un notaire, désigné comme séquestre des fonds.
  4. En cas de décès, le capital est versé aux héritiers, mais placé sous séquestre chez le notaire.
  5. Le notaire, mandaté, se charge de régler les échéances du crédit, conformément au plan d’amortissement initial.

La société poursuit donc le remboursement de son emprunt… sans jamais percevoir le capital décès.

Les avantages de ce montage

  • Le crédit continue d’exister : il reste inscrit au passif du bilan.
  • Le passif n’étant pas effacé, l’actif net ne gonfle pas artificiellement.
  • La valeur des parts sociales reste stable, et l’actif successoral n’est pas majoré.
  • La société n’est pas fiscalement pénalisée, car elle ne perçoit aucun produit imposable.
  • Les héritiers disposent d’un outil transmissible, opérationnel, et financé au rythme prévu.

Petite recommandation importante : Évitez de déduire fiscalement les cotisations d’assurance, pour ne pas donner du grain à moudre à l’administration en cas de contrôle.

⚠️ Attention : tous les établissements n’acceptent pas cette délégation et il convient de négocier ce sujet en amont avec l’établissement prêteur dont l’accord sera nécessaire.